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LE FRANÇAIS


X


« Cette envie d’aller vivre dans les villes », avait dit André Duval, « quand ça prend nos garçons, ça les lâche plus ». Et cette mélancolique réflexion allait comme un gant à son fils Jacques. Les apparences avaient cruellement trompé André Duval. Plus que jamais, même quand il moissonnait seul, en deux jours, la pièce de blé de la route, même quand il fauchait du foin bleu jusqu’à la nuit faillie, Jacques était décidé d’en finir avec cette harassante vie des champs. Comme un rouge-gorge dans le filet de crins, Jacques était bel et bien pris par le démon des villes. Si, durant tout l’été et encore à l’automne, il avait donné tant de cœur au labeur de la terre, s’il sacrifiait jusqu’à ses repas pour travailler davantage, c’est qu’il y voyait ses intérêts. D’abord, il avait à montrer à sa famille, aux amis, aux voisins et, surtout à Marguerite, que s’il laissait la terre, il ne cédait pas à la paresse ou à l’incapacité dont naguère on ne s’était pas caché pour l’accuser ; il tenait à démontrer qu’il était aussi apte que les autres aux divers travaux des champs, aussi vaillant et aussi habile que ces étrangers… que ce Français surtout qu’on lui jetait maintenant à tout bout de champ dans les jambes et pour lequel il sentait monter, de son cœur, chaque jour davantage, un profond mépris. Jacques Duval enfin, voulait faire voir qu’il