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LE FRANÇAIS

ment exprimé son amour en vue du mariage ne le prendrait pas au sérieux et même le repousserait, lui, la coqueluche de tout l’élément féminin de la paroisse, le faisait rire aux éclats. Comment s’arrêter à une pareille énormité ? Que l’engagé de Jean-Baptiste Morel et sa fille continuent leur flirt pour le moment, il n’importe. Quand le temps sera venu, il saura gagner le cœur de Marguerite et de cela il se disait aussi sûr qu’il était certain de ne pas passer un autre été à se morfondre sur la terre paternelle. Il était même convaincu que Marguerite, un jour, serait heureuse de partir avec lui, de sortir de son étroit horizon, d’abandonner cette vie si horriblement ennuyeuse qu’elle menait dans une maison vide, près d’un père morose sans cesse en proie à l’idée fixe d’encadrer sa terre ; comme s’il n’était pas plus pratique, puisqu’il ne pouvait continuer à la cultiver seul sans être obligé de recourir aux étrangers, de la vendre, d’en obtenir le plus d’argent possible, comme lui en offrait M. Larivé, pour s’en aller ensuite au village couler la vie douce d’un paterne rentier. Quelles idées sottes ! Jacques Duval ne pouvait se mettre dans la tête que Marguerite à l’intelligence si délurée put les partager.

Pour sa part, Jacques Duval avait un plan solidement arrêté et qu’il se faisait fort de pouvoir exécuter à la lettre. Il attendra son âge majeur au printemps, et il sera libre de réclamer de son père sa part d’héritage et de s’en aller ensuite. Mais, auparavant, dès les premières neiges, il partira pour les chantiers de Kipawa où il passera l’hiver ; l’argent qu’il y ga-