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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/221

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LE FRANÇAIS

templer dormant sous le soleil d’automne. Il se rappela qu’au printemps, elle était belle aussi et agréable, et douce, quand elle verdoyait et embaumait si fort, quand se dressait au ciel bleu le grand magicien des champs fondant la tristesse avec les neiges, faisant briller des jours lumineux en des plaines enchantées de verdure, et des nuits douces dans un ciel étoilé ; et même l’hiver, quand elle se dérobait sous sa couche de neige, il lui semblait qu’elle avait encore des charmes, quand elle faisait naître la joie de deviner ce qu’elle serait quand le soleil printanier s’emparant d’elle, en ferait l’instrument des éclatants miracles de l’éveil universel au ras de la terre.

Du haut du trécarré, le regard de Jacques s’élargit à mesure qu’il s’accoutume à la clarté fluide, embrasse une grande partie de la vallée. C’était partout, lui semblait-il, la même terre receleuse des mêmes beautés comme, d’ailleurs, tout ce sol tourmenté du « pays de Québec » qui a façonné à son image le caractère de ceux qu’il nourrit comme ses fruits naturels, tirant de son âme ce qu’elle contient de chaleur pour en faire la gaîté, mais façonnant en même temps ce fonds de mélancolie qu’impriment les horizons sans fin dont souvent l’inquiétude diminue le plaisir que les yeux trouvent autour d’eux.

L’habitude des regards fait celle de la pensée, et l’on n’est pas sans cesse joyeux devant la sauvagerie éternelle et uniforme des horizons sylvestres illimités ; un vide lointain que l’on désirerait remplir attire le regard qui s’y attache trop longuement ; ces savanes