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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/230

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LE FRANÇAIS

allant, il commençait à enlever son surplis blanc et raide d’empois, avant de disparaître derrière l’autel. Alors, un silence lourd, plein de recueillement, s’appesantit dans la nef où le jour tombait, gris et morne, des hautes fenêtres ogivales à travers lesquelles l’on apercevait des morceaux de ciel gris. Un instant, un dernier rayon du soleil qui s’en allait derrière les montagnes traversa les bandes de verre colorié qui encadraient chaque fenêtre et de larges raies lumineuses, rouges, jaunes et bleues où dansait une poussière d’or, rayèrent la nef et la remplirent de lueurs d’auréole… Tous les fronts sont courbés avec piété. L’on n’entend que le chuchotis des prières que, plus bas, continuent de murmurer ceux qui sont agenouillés là, une toux sèche vite étouffée dans un mouchoir ou sous la main, et le frottement des chapelets à gros grains sur le dossier des bancs de bois blanc ; l’on peut distinguer, selon que le bruit de la prière qui s’égrène est voilé et sourd, ou sonore et plus éclatant, si le chapelet est fait de grains de buis ou de perles de verre. Tous, priant, fixent au milieu du maître autel, le petit tabernacle de bois blanc et doré, maisonnette mystérieuse au fond de laquelle est enfermé, prisonnier volontaire, le Dieu bon à qui vont les demandes ardentes de délivrance des bonnes âmes. Pendant quelques instants, l’on a regardé distraitement le bedeau qui est venu dans le chœur pour renouveler la provision d’huile de la lampe du sanctuaire. La lampe, lourde masse de plomb doré, sous les derniers tremblements que lui a imprimés le sacristain, qui a pris pourtant deux minutes pour en