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LE FRANÇAIS

« memento mori » du cloître. L’on se recueille et, le cœur rongé d’amertume, l’on parcourt les cimetières où dorment ceux que l’on a aimés. Le souvenir des êtres chers disparus, ce jour-là, secoue la torpeur de notre mémoire, évoquant des fantômes qui ne nous effraient pas et nous revoyons, un à un, ceux qui nous ont précédé sur la route que nul ne peut éviter de parcourir jusqu’au bout…

Dans l’après-midi, les fidèles des rangs de Ville-Marie descendirent à l’église pour visiter avec ceux du village les tombes et réciter les prières des trépassés. Jean-Baptiste Morel était venu avec Marguerite tout de noir vêtue et Léon Lambert les avait accompagnés encore qu’il n’eut pas de morts à pleurer dans le cimetière de Ville-Marie. La famille Duval était aussi descendue du Rang Trois.

Quand les fidèles furent réunis dans le temple, le curé était venu en surplis et portant l’étole violette en croix sur sa poitrine ; agenouillé dans le chœur au pied du grand autel, il récita à haute voix des prières auxquelles répondaient à mi-voix les paroissiens. Les réponses, tantôt courtes, tantôt longues, s’élevaient, en murmures confus, bredouillants, et qui dans l’ensemble ne semblaient des mots d’aucune langue connue. Cependant, la cloche, au dehors, du haut de sa tour carrée, tintait lugubrement pour les morts, accompagnant de ses notes graves les prières émues qui mouillaient les yeux parce qu’elles font penser à ceux dont on ne peut laisser périr le cher souvenir. Le curé quitta le pied de l’autel pour retourner à la sacristie ; tout en s’en