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LE FRANÇAIS

défunts. La gaîté a repris ses droits. Les femmes caquettent à tue-tête et les hommes allument leur pipe, s’interpellent, en phrases brèves, sur le temps qu’il va faire. L’opinion générale, c’est que la neige ne tardera pas douze heures et que l’hiver sera rude. L’on avait vu les écureuils et les suisses charroyer sans trêve, à joues pleines, pendant tout l’automne, des noisettes dans leurs trous, et des chasseurs avaient observé que les ours bruns des Laurentides creusaient plus profondément que de coutume leurs « caches » en-dessous des gros troncs abattus des arbres ; c’était là des signes d’un hiver neigeux et froid. Quoiqu’il en soit, la terre était suffisamment préparée pour recevoir la première bordée qui resterait, prédisait-on. Ce serait tant mieux ; l’on aurait ainsi, du jour au lendemain, de beaux chemins d’hiver et les hommes pourraient partir sans tarder pour les chantiers.

« Toi, André, vas-tu dans l’bois, cette année ? » demanda à André Duval un habitant du Rang Trois.

— Non, je m’repose, cet hiver ; c’est Jacques qui va m’remplacer.

— Ah ! ça va le forcer, hein, Jacques ? il doit pas guère aimer ça, les chantiers. Les amusements, c’est vrai, ça manque par là.

— Bah ! il va à Kipawa, tu sais ; c’est pas loin terriblement ; et il pourra venir plusieurs fois dans l’hiver. Et tu sais pas, mon garçon, il est pas mal changé, vas. C’est plus le même ; tiens, demande à Jean-Baptiste Morel.