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LE FRANÇAIS

Tout le monde riait aux éclats aux propos et aux souvenirs enthousiastes du père Jos. Celui-ci, encouragé par la gaîté ambiante, lâcha de nouveau la bride à sa voix :

« Ou ben encore, l’soir, après l’souper, y avait toujours parmi not’gagne un bon « conteux d’contes » qu’en contait qui duraient des grandes veillées d’temps et, des fois, qu’on était obligé de r’mettre au lendemain soir ; ça faisait dresser, ma foi du bon Dieu, les cheveux su la tête ! Des fois aussi, un bon liseux lisait un feuilleton de gazette émotionnant sans bon sens. Ou ben encore, on chantait des chansons comiques et des complaintes longues comme d’icitte à aller au lac Écarté. On avait toujours aussi avec nous autres, un bon joueux d’violon ou d’accordéon, ou ben de ruine-babines qu’essayait d’accompagner les chanteux. On dansait aussi des danses carrées, des « arlepapes », des quadrilles que le diable m’emporte tout le campe en tremblait ; après ça, on s’couchait dans nos « beds » à trois ponts aussi fatigués, j’vous mens pas, par ces trémoussements-là que par le buchage de toute la journée. Et pi, comme on l’disait tantôt, on avait mangé, à tous nos trois repas, qu’des « beans » au lard et d’là mélasse. Mais on était content quand même, ben plus qu’les jeunesses d’aujourd’hui qui s’ront pas contents, eux autres, tant qu’ils verront pas un piano dans l’campe et un « graphone » pour danser des « quiounes… »

Au bord du chemin qui longe la place de l’église, un groupe de jeunes s’était formé au milieu duquel trônait Jacques Duval. Marguerite Morel était là