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LE FRANÇAIS

niait avec aisance le lourd instrument du repassage en personne accoutumée depuis longtemps aux rudes tâches de la ferme. Puis, quand elle eut remis en place les fers et la planche, Marguerite alla s’asseoir à la fenêtre qu’elle ouvrit toute grande, laissant pénétrer à flots de l’air en même temps que plus de lumière, et se mit à ravauder une pièce de l’habit des dimanches de son père. Sa main droite maniant l’aiguille se levait avec saccades, bariolant la trouée claire de la fenêtre lumineuse. De temps en temps, elle tournait la tête du côté de la porte du « fourni » et prêtait l’oreille aux bruits monotones qui venaient du poêle ; deux fois, elle se leva pour aller soulever le couvercle d’un chaudron où mijotait le hachis du souper qui répandait dans toute la maison une appétissante odeur de viande et de légumes trop cuits.

Jean-Baptiste Morel n’avait pas bougé durant tout le travail de sa fille. Il l’avait suivie attentivement dans tous les détails de ses allées et venues. Il la regardait, ému de fierté ; et il ne songeait plus qu’à elle maintenant.

Marguerite était une jolie fille, blonde, grande, les joues rouges comme en pleine maturité les pommes fameuses des côtes laurentiennes ; elle avait belle mine et grand air, les bras hardis, la taille mince et souple, de grands yeux bleus comme l’eau de la Baie-des-Pères par une belle journée de juillet. Les mèches de sa chevelure dont les nuances variaient avec leur épaisseur, partaient, de ci de là, à peu près brunes sur le front, dorées et allant en s’amincissant sur le cou. Pour