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LE FRANÇAIS

tablier. Ensuite, elle se mit en frais de repasser sa robe blanche des dimanches qu’elle était allée chercher dehors où elle pendait d’une corde tendue entre le « fourni » et la maîtresse branche d’un saule du jardin. Elle avait donné à la planche à repasser sa position accoutumée, en forme de pont, un bout reposant sur la table et l’autre sur le dossier d’une chaise. De cette manière, Marguerite, debout au milieu de la pièce, avait toute la place voulue pour se mouvoir et placer ses objets. La planche était emmaillotée d’une couverture de laine à moitié éraillée et parsemée de larges taches jaunes, brûlures des fers trop chauds posés par distraction sur la bourrure de la planche… Après avoir humecté et roulé suffisamment la robe, elle l’étendit et, doucement, soulevant la planche d’un côté, laissa déborder un peu de la jupe qui pendait. Alors, elle alla chercher un des fers sur la plaque ardente du poêle, l’approcha de sa joue, pendant qu’elle revenait dans la cuisine, pour s’assurer qu’il était aussi chaud qu’elle le voulait, le frotta légèrement sur un morceau de drap placé à sa droite à cet effet, et commença l’opération du repassage. La robe qui, encore que bien étendue tout du long de la planche, formait d’abord une masse compacte, s’étala bientôt sous le va-et-vient vigoureux du fer chaud, et peu à peu prit une tournure élégante. Marguerite repassa ensuite de la même façon une chemise d’indienne de son père et donna quelques coups de fer à trois ou quatre mouchoirs. Le fer, entre ses mains, allait et venait avec rapidité, tout noir sur la blancheur éblouissante du linge ; elle ma-