Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
233
LE FRANÇAIS


XI


La bordée de neige de la Sainte-Catherine ne s’était pas fait attendre plus que celle de la Toussaint qui, toutefois, aussitôt tombée avait fondu ; elle était venue juste la veille de la fête, ce qui était le comble de la complaisance pour une bordée de la Sainte-Catherine. Aussitôt, le temps s’était mis au froid, durcissant cette neige, propre et blanche ; comme la terre était gelée à point depuis la Toussaint, de beaux chemins d’hiver avaient succédé, sans la transition désagréable de la boue glacée aux roulières poussiéreuses des chemins de terre. Aussi, le matin de la Sainte-Catherine, sur toutes les routes du Témiscamingue, les grelots sonores des attelages d’hiver carillonnaient-ils joyeusement de rang en rang comme à travers les rues du village. Dès la pointe de l’aube, les petits garçons avaient sorti traîneaux et tobaggans, « bob-sleighs » et « glissettes » faites de « douelles » de barriques et s’étaient mis à glisser dans les côtes des routes et au long des pentes des terres.

Le temps était bas et l’air comme feutré. La baie, immobile et terne, semblait un étang mort. La Pointe-au-Vin et la Pointe-de-la-Mission s’étaient comme rapprochées, rétrécissant l’horizon blanc, emprisonnant dans un cercle étroit le village dont les bruits résonnaient sourdement. Sur le seuil de bois des portes,