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LE FRANÇAIS

mêmes journées remplies par les mêmes serviles travaux ; les mêmes calmes soirées passées dans la cuisine à ravauder le linge en écoutant le brin de causette que venait faire, de temps en temps, un voisin avec Jean-Baptiste Morel.

Des jeunes gens étaient aussi venus, souvent, le soir, tendre leurs filets à la fille de Jean-Baptiste Morel qui, en plus de ses attraits physiques avait celui, toujours apprécié des jeunesses des paroisses, d’une instruction que n’avait pas la plupart des jeunes filles de l’endroit. En effet, sa première communion faite, Marguerite avait passé trois ans au couvent des Sœurs Grises de la Croix, au village. Ç’avait été pour céder aux instances de sa « vieille » que Jean-Baptiste Morel avait consenti au sacrifice de payer ces quelques années de couvent à sa fille. Sa femme, qui avait été élevée dans une vieille paroisse des entours de Québec, était quelque peu fière et prisait fort l’instruction du couvent chez les filles et celle des séminaires pour les garçons que, dans sa piété, elle eut voulu voir tous élever à la prêtrise. Vu leurs modestes moyens, elle n’avait pas cependant pensé à voir concrétiser ce rêve général sur son fils Joseph, ce qu’elle regretta amèrement, la pauvre femme, pendant les derniers jours de sa vie, quand elle se disait et exprimait souvent à son mari que si Joseph eut acquis l’instruction nécessaire à la prêtrise, il ne se fut pas enrôlé et la guerre l’eût épargné…

Mais les visites des farauds de la paroisse, le soir, chez Jean-Baptiste Morel, n’avaient eu, en vérité, guère