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LE FRANÇAIS

de résultats ; elles avaient seulement rompu la monotonie de l’existence des Morel. Marguerite, avec opiniâtreté, se refusait à toute avance. Elle avait même repoussé d’excellents partis, des fils de cultivateurs qui avaient du bien et de l’avenir. Son père en avait été vexé et il ne pouvait comprendre ces refus ; mais il ne disait mot. Il se contentait de confier quelquefois ses ennuis à quelques-uns de ses amis qui ne comprenaient pas plus que lui cet entêtement de Marguerite. On en parlait souvent, chez les voisins, et l’on disait couramment, chez les uns, avec une certaine nuance de mépris, chez les autres, non sans quelque pitié, que Marguerite n’était pas une fille comme d’autres. Chez tous cependant l’on était d’avis qu’elle finirait bien, au bout du compte, par « mordre », et l’on précisait même que le dernier entêté qui continuait d’aller chez Jean-Baptiste Morel faire la jasette, les soirées des dimanches et des jeudis, Jacques, fils d’André Duval, le cultivateur le plus riche du rang Trois, emporterait le morceau. Jean-Baptiste Morel aimait à le croire. Il trouvait Jacques Duval de son goût et il avait, depuis quelques mois, d’autres raisons de souhaiter qu’un des jeunes gens de la paroisse finisse par capter la confiance de sa fille. Mais, en réalité, Jacques Duval ne paraissait pas plus chanceux que les autres. Même que Marguerite, depuis quelques mois, se montrait, semblait-il, plus farouche que jamais ; et Jacques, qui était pourtant le coq de la paroisse, perdait du terrain plutôt qu’il n’en gagnait. Voyant cela le père se désolait, et, de moins en moins, ne « comprenait pas ça »…