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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/284

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LE FRANÇAIS

« foreman », que la messe de minuit aurait lieu, cet hiver, dans son campe. Quel succulent réveillon alors ! Ce coup de fusil était providentiel ; comme il allait faire oublier les salaisons du menu ordinaire et les civets de lièvre dont on était, à la fin, ennuyé !…

Ce matin donc de la veille de Noël, après le départ des hommes et des chevaux pour la corvée du jour, ces cris de joie que l’on a entendus fuser de l’intérieur du campe sont les voix de ceux qui ont été chargés du « débitage » du caribou tué par les deux claireurs. Ceux-ci, en arrivant, avec de grands gestes, avaient jeté sur le parquet de rondins à demi équarris de la cuisine du campe, le cadavre flasque du fauve. Mais, ce ne fut pas tout, et il fallut affronter le tribunal inquisitorial du « cook », le père Phydime, vieux fauve lui-même qui n’avait jamais quitté les forêts de Québec et qui pendant toute sa vie, avait fait la cuisine dans les campes de l’Outaouais et de la Gatineau. Le père Phydime était constamment à cheval sur les lois qui veillaient à la protection des bois et de la faune canadienne. Aussi, encore qu’il fut content de la perspective d’un menu extraordinaire pour le réveillon, le père Phydime, à la vue de l’animal, demanda d’un ton rêche :

« Et d’ou qu’ça vient, ça ? »

«  D’là coulée, en arrière du campe », avait simplement répondu un des claireurs.

— C’est tué avec un fusil, ça ?

«  Dam ! on l’a pas pris, vous savez, père Phydime, avec un lacet d’bottine », rétorqua l’autre claireur.