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LE FRANÇAIS

rivée prochaine du missionnaire. À quelle heure arrivera-t-il au Campe à Pitre ? Viendrait-il dans la soirée ou dans l’après-midi ? C’était le grand point. Le Campe aux Bouleaux d’où partait le missionnaire était à dix milles. Cela n’est pas une distance excessive pour un homme habitué à la raquette. On attendait donc le missionnaire plutôt dans l’après-midi, de bonne heure.

Depuis le matin, le temps s’était tenu au clair ; le ciel était d’un bleu d’acier. À l’aube, à la suite de la neige qui était tombée pendant la nuit, il avait fait une gelée à pierre fendre, une « belle gelée », c’est-à-dire une gelée terrible qui augmentait, semblait-il, d’intensité sous les rayons implacables d’un soleil polaire qui semblait déverser du froid et glacer tout ce qu’il touchait. Un peu après midi, des bourrasques se mirent à souffler tordant les arbres de la forêt. De lourds paquets de neige rudement secouée tombaient des branches larges des sapins sur les hommes occupés à bûcher les troncs à grands coups de hache. À trois heures, le vent s’apaisa et ce fut, aussitôt après, un de ces froids qui gèlent leur homme sur place.

« Le missionnaire aura-t-il reculé devant ces sautes brusques, toutes également terribles, de ce temps boréal ? » Telle était la question que ne cessaient de se poser les hommes du Campe à Pitre. À six heures, ils rentrèrent de nouveau au campe battant rudement leurs bottes sur le perron, avant d’entrer, frappant sur le mur en grumes du campe leurs raquettes enneigées. À ce moment, l’air était calme mais le froid violent. La