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LE FRANÇAIS

juste la veille de Noël ; j’en avais « arrangé » à toutes les sauces pour le réveillon : rôties, bouillies, en ragoût, en giblotte, que l’diable m’emporte !…

Tout en continuant de dévider l’écheveau de ses joyeux souvenirs, le Père Phydime étendit coup sur coup deux grands seaux d’eau sur le parquet de la cuisine qui ruissela. Rond-Rond ne fit qu’un bond devant cette subite inondation, mais il ne perdit pas au change. Grimpé sur la table, il avait pu pendant trois minutes, caresser un morceau de plat-côté de caribou qui était autrement savoureux que le sang maigre et sale que l’eau des seaux du Père Phydime venait de laver. Mais ce balthazar de Rond-Rond ne dura pas longtemps ; un violent coup de balai appliqué sur un coin de la table fit de nouveau bondir la raminagrobis du campe qui se trouva enfin assez confortablement allongé sous le poêle où, gavé de sang, il s’endormit bientôt du lourd sommeil des matous de chantiers, multipliant les rons-rons qui lui avaient valu son nom…

À midi, quand les hommes venant du bois, rentrèrent au campe pour dîner, il n’y avait rien de bien changé. Cependant ceux qui glissèrent un œil dans l’antre du père Phydime, purent voir des monceaux inusités de victuailles sur les « établis » ; mais tous remarquèrent, en entrant, des amas de branchages de sapin et d’épinette reposant sur la neige à la porte du campe. Pendant le dîner : une soupe aux pois, un bouillis au lard avec des patates et une pointe de tarte à la « ferlouche », la conversation roula surtout sur l’ar-