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LE FRANÇAIS

la nuit, ces gens des chantiers ! Le réveillon prit fin. Mais il ne fallait pas penser à aller s’étendre aussitôt dans les « beds » avec un tels chargements sur l’estomac. Le rire, le bon rire fait digérer… rions, amusons-nous ! Du reste, demain est jour de congé ; pas de buchage et il sera possible de dormir ses douze heures, vingt-quatre heures d’affilée si l’on veut ! Oui, vrai, il sera toujours temps d’aller s’étendre dans le « bunk » à deux étages qui ressemble à un cercueil posé sur un autre…

L’on chante. Tous ceux qui ont un filet de voix doivent s’exécuter. Jacques Duval s’est acquis au campe, comme au village, la réputation d’un « bon chanteux » de chansons comiques et il doit se faire valoir plus qu’à son tour. Son répertoire y passe comme le menu du père Phydime. Ensuite, l’on demande des contes et des histoires.

« Une fois », commença un vieux bucheur qui ne se fit pas trop prier, « une fois, c’était à Saint-André-de-Kamouraska, dans l’temps d’ma défunte grand’mère, y avait un garçon qu’était habitant dans les concessions… » Le conte dura presque une demi-heure ; c’était l’histoire d’un mari infidèle « démorphosé » en bête et qui courut le loup-garou pendant sept ans jusqu’à ce que le curé ait réussi à le « clairer net » de son sort…

Stimulé par une ronde de café noir due à l’initiative toujours besogneuse du père Phydime, il fallut que chaque homme contât son histoire. On préférait les histoires qui étaient plus courtes que les contes. Chaque y alla de la sienne, qui tragique, qui comique,