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LE FRANÇAIS

saupoudrée de quelques pincées de sel. Le missionnaire qui présidait au milieu de la table d’honneur riait, s’amusait plus que tous les autres, malgré qu’il eut dans les jambes dix milles de raquettes, et dans la tête, deux messes et les confessions de cent hommes. Le père Phydime, malgré ses allées et venues dans la pièce, dut s’exécuter comme les autres :

« Dans mon jeune temps », raconta-t-il, « mon oncle José, de Trois-Rivières, était le plus beau nageux du Canada ; personne pouvait l’« biter » même pour traverser l’fleuve à la nage. Il me contit, une fois, c’te bonne-là : « Fallait pas être méchant nageux, hein, Phydime ? qu’i’me dit, un jour pour traverser le lac Saint-Pierre, à la nage, l’printemps, au milieu des glaces ?… Vous avez fait ça, mon oncle, que j’lui demandis. — « Oui, sacré gué ! j’ai fait ça ! Écoute, Phydime, un beau jour, j’m’pris avec un Anglais qui s’vantait sans bon sens d’savoir nager comme une morue. Nous v’la partis et, pour couper court, l’Anglais s’noyit au bout d’un quart d’heure ; moi, j’réussis à atterrir de l’aut’bord, mais… « Mais, mon oncle, que j’m’enquis. — Mais j’m’suis aperçu qu’j’avais l’estomac complètement ouvarte… » Vous en êtes revenu, toujours, mon oncle ?… Oui, qu’i’m’répondit ; j’m’ai acheté un peigne fin que j’m’ai posé su l’estomac et qu’j’ai bandé ben serré. Trois jours après, j’te mens pas, j’étais correct… »

Les rires fusèrent comme de plus bel.

« Non, mais, c’qu’on s’amuse ! c’qu’on s’amuse !… » entendait-on crier tout autour des tables.