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LE FRANÇAIS

té divine ! c’est toujours à recommencer, cette vie-là ! Aussitôt que j’ai été mieux, il a fallu reprendre les travaux dans les champs pour les labours du printemps, radouber les clôtures, soigner les animaux, enfin, tout préparer pour les semences… Et après les semences, ce sera les foins, puis les récoltes et, ensuite, des labours encore, enfin, aux premières neiges, encore les chantiers, la misère, l’ennui, toujours… Jamais le moindre plaisir, le plus petit agrément !… Non, vrai, j’en ai assez, Marguerite, j’en ai plein le dos, là, plein le dos !… Et pourtant, j’ai de l’amitié pour toi, Marguerite ; vois-tu, je m’imagine toujours que t’en as assez, toi, aussi… Tiens, si tu savais tout ce que mon ami Castonguay m’a dit de Montréal, le plaisir qu’il y a, la belle vie !… Il m’a conté qu’à Noël, le soir de la messe de minuit…

— Non, non, Jacques, je te le dis, il ne faut pas me parler de Montréal, c’est inutile ; et ce que t’a conté ton ami Castonguay ne doit pas me toucher… Vas le trouver, ton ami, Jacques, vas-y à Montréal. Vas, Jacques, et ne penses plus à moi…

— Marguerite !… Alors tu ne m’aimes pas ?…

— Mais, non, Jacques, je ne t’ai jamais aimé, jamais. J’ai eu seulement de l’estime pour toi. Je ne t’ai jamais aimé parce que je savais que tu n’aimerais jamais la terre. Je le savais, j’en étais sûre, même quand tous les autres, ton père, le mien, m’assuraient que tu étais revenu de tes idées de ville. Je ne les croyais pas. Ces idées-là, quand ça prend, ça ne lâche plus. Nous ne sommes pas faits l’un pour l’autre, Jacques,