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LE FRANÇAIS

vas !… Admettons que tu me dises vouloir rester sur la terre et que nous voilà mariés, te laisseront-elles, tes idées ? Un an après notre mariage, je serais obligée, cette fois, de te suivre à Montréal… Mon père resterait ; alors, adieu la terre paternelle ! Est-ce cela ? Et moi, adieu le bonheur ! Écoute-moi bien Jacques, tu veux t’en aller, va-t-en, dans les dispositions où tu te trouves, tu serais malheureux ici, et remarque bien que je n’affirme pas que tu ne le seras par là-bas ; mais tu auras satisfait ton désir, et c’est déjà quelque chose. Tu rencontreras des jeunes filles, là-bas, des jeunes filles qui aiment les villes ; tu en aimeras une et vous vous marierez… Je vous souhaite d’être heureux. Quant à toi, je te sais gré de ta franchise…

— Marguerite, c’est ton dernier mot ?

— C’est mon dernier mot.

— T’en aimes un autre, hein ?… Ah ! oui, je sais…

— Et quand même, quand cela serait ! Si celui-là aime la terre aussi franchement qu’il m’aime, sans arrière-pensée, uniquement pour moi et pour la terre…

— C’est ton Français, j’suppose ?…

— Disons que c’est lui.

— Un étranger, un émigré !…

— Tu seras un étranger encore plus que lui peut-être quand tu seras dans les villes. Qu’est-ce qu’ils sont pour nous, les gens des villes ? Des étrangers comme nous le sommes pour eux… Ce sont des gens qui nous haïssent, qui rient de nous, de nos habitudes,