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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/339

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LE FRANÇAIS

— Ah ! qu’est-ce qu’il a comme ça, André ?

— Comment, vous ne savez pas ?… Son Jacques est parti hier. Impossible de le retenir. Il prétendait qu’il devait entrer cette semaine même en qualité de commis dans une épicerie et qu’il perdrait cette place, s’il retardait. Il est vrai que Duval s’attendait depuis longtemps à ce départ, mais vous comprenez que ça lui a donné un coup. Dans ces affaires-là, c’est comme pour la mort, on conserve de l’espoir jusqu’à la dernière minute. N’importe, au moment des travaux des foins et des récoltes, vous comprenez, M. Morel, que ça fait pas l’affaire d’André Duval.

Jean-Baptiste Morel n’articula pas un mot et demeura bouche cousue devant le verbiage de M. Larivé qui ne jugea pas à propos d’aborder son sujet favori, n’ignorant pas que la nouvelle qu’il venait d’apprendre, non sans un secret plaisir égoïste, à son voisin entêté, frappait le cœur de Jean-Baptiste Morel du même coup qu’André Duval. Après un bref « Bonjour, M. Morel », il démarra et l’auto fila en crachant avec fracas son essence.

Tranquillement, comme si de rien n’était, Jean-Baptiste Morel se pencha, ramassa sa hache qu’il avait posée sur le gazon pour parler à son voisin, continua à petits coups brefs d’épointer un piquet qu’il ficha ensuite dans la terre d’un coup rude de ses deux bras tendus ; puis, avec sa hache, il frappa l’extrémité du piquet de grands coups retentissants…

À quelques jours de là, dans l’après-midi, Jean-Baptiste Morel demanda à son engagé de descendre