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LE FRANÇAIS

« La Pointe-au-Vin, dis-tu ?… Tiens, je croyais que c’était la Pointe-au-Vent. Mais pourquoi la Pointe-au-Vin, Marguerite, le sais-tu ?… »

— Mais oui, Léon, je m’en souviens, un jour, dans la cour de récréation du couvent… Tiens, tu le vois, le couvent, en bas… Que c’est clair ! on peut voir à l’intérieur des salles par les fenêtres… Je m’en souviens, j’ai entendu le Frère Moffet, qui était venu nous regarder jouer dans la cour, nous raconter qu’autrefois la Compagnie de la Baie d’Hudson vendait du whisky aux sauvages ; mais comme ce commerce était défendu dans les environs du Poste, les sauvages avaient pris l’habitude de se rendre à la pointe pour y rencontrer les officiers de la Compagnie qui leur livraient la terrible eau de feu ; et c’est de là que la pointe a pris le nom qu’elle porte… Le vin de ce temps-là, sans doute, ajouta plaisamment Marguerite, « c’était du whisky. Et puis, mon Dieu ! tu sais bien Léon, la Pointe-au-Vin, c’est là… »

— Oui, oui, Marguerite, je sais… je sais… C’est là que j’ai failli trouver la mort et que j’ai rencontré le bonheur… C’est là qu’à demi mort sous la neige, ton bon père m’a trouvé, m’a recueilli et m’a amené… vers toi, ma Marguerite… Comme les choses arrivent !… Vrai, la vie dispose de nous et nous ne pouvons guère disposer d’elle…

Il y eut un silence que troubla seul un groupe de chardonnerets jaunes qui vinrent s’abattre en piaillant dans les frondaisons d’une épinette rouge dont les