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LE FRANÇAIS

de son bonheur, Léon Lambert sentait se détendre ce qu’il y avait de trop viril, de trop fier dans son caractère. Une tendresse immense l’envahissait, un contentement de toute l’âme le soulevait. Sa pensée, fatiguée parfois de ne pouvoir s’exercer parmi les tracas maussades de besognes fastidieuses et les mille servitudes qui, pareilles à des fils, enveloppent de toute part le travailleur de la terre, à cet instant se reposait pleinement, divinement, sur Marguerite qui lui semblait plus belle que la Vierge de la Grotte, plus belle que Bernadette agenouillée dans sa gracieuse attitude d’extase, et sur le grand paysage qui baignait dans les tremblements d’une atmosphère éblouissante. Il regardait sa fiancée, les maisons d’en bas, les arbres d’alentour, les champs verts et la baie bleue, comme si tout cela eut été un rêve. Il remplissait ses yeux de toute cette beauté robuste et charmante à la fois, et il éprouvait dans toute sa plénitude la grande joie de vivre… Il se demandait à quel moment son amour avait commencé et il ne pouvait se rappeler à ce sujet rien de précis. Il lui semblait que cela datait de toujours. Pourtant, il réussit à se rappeler que le charme de la jeune fille avait insensiblement pénétré en lui depuis qu’il s’était senti revenir à la vie, après l’aventure de la Pointe-au-Vin. Oh ! comme prenait une heureuse fin sa vie trop aventureuse. Il était sans pays, courant le monde à l’aventure et, tout à coup, il avait trouvé une petite patrie qui était tout comme la grande qu’il ne verrait plus… Et Marguerite était venue comme la révélation de ce que la « petite France d’Amérique »