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LE FRANÇAIS

Tu penses, mon Léon, si je fus fière de cette bonne parole à ton endroit. Mais ce fut bien d’autre chose. Écoute :

« Marguerite » me demanda tout à coup mon père, comme faisant un grand effort, « tu l’aimes toujours, Léon ?… »

Je fus bien deux minutes sans répondre tellement j’avais le cœur gonflé. Enfin, je pus dire tout simplement :

« Vous savez bien, père, que je l’aime et que je l’ai toujours aimé depuis qu’il est ici… Je l’aime, père, comme vous l’aimez vous-même, sans l’avouer, parce qu’il est bon, qu’il est travailleur et, surtout, parce qu’il aime la terre… comme vous, la terre, notre terre que vous avez pensé vendre, ces jours derniers encore… Est-ce vrai, père ? Il a répondu :

« La terre est pas à vendre tant que je vivrai… »

« Et alors », ai-je demandé un peu par plaisanterie tellement j’avais le cœur à rire, « qui la cultivera, père, la terre, quand vous ne serez plus capable ?… »

« Mais c’est Léon, ma fille », m’a-t-il répondu, « Léon… qui sera ton mari… »

Et alors, tu comprends, je me suis jeté dans les bras de père…

Oh ! la douceur de vivre !… de vivre dans ce décor d’une beauté sans égal après avoir entendu cette voix et ces paroles de l’aimée, plus douces aux oreilles, que les trilles des chardonnerets de l’épinette rouge qui, au sommet de la Grotte, en brochettes sur un rameau, chantaient éperdument… Peu à peu sous le souffle