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LE FRANÇAIS

lui chantaient si doucement dans l’âme en même temps que chantonnaient le blé autour de lui ?… Était-ce l’effet de la communion de son cœur content avec l’âme du blé qui dans le recueillement de la terre et des cieux vibrait d’accord avec la sienne ?… Sous une caresse de la brise, la mer blonde se mit à murmurer une discrète et langoureuse cantilène.

Le grand-père et l’enfant étaient parvenus à l’autre bout du champ. Pour reposer leurs jambes, ils allèrent s’asseoir sur la clôture, près du chemin du roi. L’enfant, si haut perché, et pour qui le fossé du bord de la route paraissait un précipice, criait de plaisir, et il demandait au grand-père avec des petits mots à lui qu’il créait à mesure, tous les oiseaux qui passaient et toutes les fleurettes qu’il voyait au talus du chemin. Comme le soleil commençait à descendre, la brise, un instant, s’arrêta et les blés, droits sur leurs tiges, ne frémirent plus. Le champ parut s’endormir dans une torpeur délicieuse…

Un roulement de voiture se fit entendre sur la route, derrière Jean-Baptiste Morel qui se retourna. Il reconnut le cheval et la voiture d’André Duval qui montait du village. André s’arrêta vis-à-vis de Jean-Baptiste Morel :

« Tiens !… bonjour, André, comment ça va ? »

— Comme ça, Jean-Baptiste, comme ça… Beau temps, hein ?… Je vois que ta pièce est pas mal mûre.

— Oui, Léon veut commencer à la moissonner lundi… Penses-tu que c’est du beau blé, ça ?… De la paille longue quasiment de deux pieds et des épis