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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/55

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LE FRANÇAIS

freusement noir et il lui semblait que le vent hurlait des malédictions. Ces arbres étaient quand même hospitaliers et il lui faut, coûte que coûte, passer la nuit sous leur protection. Il s’assit sur un tronc pour se reposer une minute ; mais il se releva vite ; c’était dangereux de s’asseoir ; son corps pouvait s’engourdir et rester là. Il marcha se cognant contre les arbres. Il rencontra un gros sapin aux branches épaisses et feutrées. Il s’y abrita et, lourd de fatigue, s’assoupit. Quand, plus tard, il se réveilla soudain, sous les élancements du froid, les lueurs pâles du jour filtraient à travers les arbres. Il eut toutes les peines du monde à se remettre sur ses pieds et à faire les premiers pas. Ses jambes étaient engourdies et paralysées. Il tomba, un pied pris dans une racine à fleur de neige ; il se releva, marcha encore et atteignit l’autre versant de la pointe. De loin, il entrevit vaguement le village de Ville-Marie et cela ranima son courage. Pendant plus de deux heures il ne put avancer que de quelques arpents, tellement ses jambes étaient faibles et gelées. Non, jamais, il n’arrivera à traverser la baie et à gagner le village !… C’était fini, il allait mourir, gelé, ici !… Pour comble, le vent qui avait cessé, le matin, se remit à souffler, poussant la neige avec furie, l’amoncelant en tas énormes, devant lui. Il voulut faire un effort suprême pour retourner sous les arbres de la pointe où pour mourir il serait mieux que sur cette plaine glacée de la baie… Un sursaut plus fort, un glaçon plus saillant que les autres et le petit Cévenole roula lourdement, les bras en avant, la tête dans la