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LE FRANÇAIS

de vie : certains coins de pré sont jaunes, sans un point noir, de l’or envahissant des pissenlits. Quelques jours suffisent pour faire disparaître l’excès d’humidité de la terre et assécher les plaques d’eau faites des neiges fondues…

Vite alors, sur tout le sol du Témiscamingue, les champs s’étaient repeuplés. L’on s’était mis à semer et à planter dans les carrés des labours encore humides. Les attelages et les hommes sillonnaient les champs. Avec des gestes saccadés, les semeurs, sac bombé de graines aux épaules, répandaient à la volée autour d’eux les grains qui coloraient de roux les sillons bruns ou noirs légèrement ouverts en bandes large et luisantes.

Puis, ce ne fut pas encore l’été mais ce n’était plus le printemps. Les blés avaient pris racine comme des chênes et les corneilles, qui s’abattaient par bandes sur les champs, pour les arracher, devaient tirer à plein bec. Les orges, qui se font plus attendre, pointaient à peine, mais les avoines, toujours impatientes, dressaient leurs petites têtes vertes au creux des sillons. L’élan magnifique de la végétation reprenait avec ardeur. Partout, la terre reluisait de promesses.

Léon Lambert en subit tout à coup l’influence tyrannique. Le premier debout, chaque matin, il s’en allait dans les champs où il assistait au lever de l’aurore. Il voyait le soleil à la dentelure des montagnes laurentiennes ; l’astre éclairait d’abord les monts et les rives escarpées du lac ; puis, la lumière blonde ruisselait tout le long des sommets, fouillait le fond des coulées et des ravins et, dans tous les recoins, s’amusaient