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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/62

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LE FRANÇAIS

à poser des caresses de rayons chauds. Les champs étaient enveloppés de brume ; c’était un brouillard transparent aux blancheurs d’opale qui pâlissait l’herbe tendre du renouveau. Mais à mesure que le soleil envoyait ses flèches plus obliques, les vapeurs s’évanouissaient et les vitres des maisons du Rang, en bas, se mettaient à miroiter. Le jour tout rose suspendait des buées tremblantes aux épis à peine formés du jeune millet ou roulaient sur les feuilles de bardane qui, au long des clôtures, étaient déjà larges d’une main ; les rubans mouillés du plantain aux rhizomes courts et épais, semblaient d’argent… Il entendait le pas des vaches que son maître et Marguerite avaient « tirées », dès le petit matin, dans la cour de l’étable, et qui remontaient au pacage par le chemin pierreux que faisaient résonner leurs sabots. Des voliers de corneilles striaient l’air, croaillaient dans tous les sens, s’arrêtant par familles sur les pagées des clôtures de pieux de cèdre ; les jeunes, nées de quelques jours seulement, vacillaient sur le pieu, menaçant à chaque instant de tomber dans le fossé qui longe la clôture, et vagissaient ainsi que des enfants malades. Des moineaux, par bandes piailleuses, s’ébattaient sur les champs fraîchement semés, en quête de graines, pendant que des alouettes montaient tout droit dans l’air, criant d’allégresse, et que des troupes de rouges-gorge voltigeaient d’un arbre à l’autre, se poursuivaient et se becquetaient en se rattrapant. Sur certaines branches d’un jeune érable planté au bord du chemin aux charrettes, il y avait, chaque matin, des batailles où les bestioles acharnées