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LE FRANÇAIS

le dîner, les femmes et les jeunes garçons venaient avec des fourches et des râteaux pour faner et « enveillocher ». On peignait soigneusement la chevelure brune de la terre et, vers le soir, quand le foin était suffisamment sec, on le mettait en « veilloches » ; ces dernières flambaient rouge dans le couchant et, quand la lune se levait, les grillons chantaient à tue-tête dans le mil sec, et les sauterelles sautaient sur les herbes crissantes.

Cependant, quelques jours après le commencement de la fenaison, le dimanche, après la grand’messe, les gens du Rang Quatre avaient décidé de faire une corvée de fauchage chez Jean-Baptiste Morel, comme l’on avait fait, les deux étés qui suivirent la mort du sergent Joseph Morel. On savait Jean-Baptiste Morel seul pour une besogne trop rude pour lui et qui ne souffrait pas de retard. Chaque cultivateur du Rang s’offrait donc à l’aider d’une journée de son travail. Les deux années précédentes, l’on avait profité de l’occasion pour faire comme une sorte de concours de fauchage dont les vainqueurs étaient célèbres dans toute la paroisse. L’on résolut donc d’aider encore, cette année, Jean-Baptiste Morel à faire ses foins, bien qu’il eut un engagé. À la vérité, l’on avait assez peu de confiance en ce dernier que l’on se plaisait à appeler avec un sourire moqueur, « le Français » à Jean-Baptiste. Il est vrai, disait-on cependant, que Jean-Baptiste Morel ne le paie pas très cher, son engagé, et qu’il ne lui donne en réalité que la nourriture et le logis en échange de son travail ; aussi, ne peut-il pas se montrer bien exigeant à son égard ! Mais