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Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/70

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LE FRANÇAIS

nisse meugle… Le soleil voit aussi, par la porte ouverte du « fourni » de la maison, la fille de Jean-Baptiste Morel occupée aux soins du déjeuner. Il monta d’un échelon, dans le ciel, dépassa le Pic-de-la-Vieille, et il vit arriver presque tous ensemble les hommes de la corvée. Alors le Rang tout entier s’éveilla.

L’on a toute la Prairie du Ruisseau à faucher et la besogne sera rude sous le soleil ardent. Mais les tâcherons ont de bonnes faulx et aucun d’eux n’a coutume de donner ses coups aux moineaux ou aux mulots ; ils savent se servir à propos de la pierre à aiguiser, sans que l’opération prenne le temps de réciter le rosaire. La grande Prairie du Ruisseau à Jean-Baptiste Morel est raboteuse, parsemée de tas de cailloux et de grosses souches de pin, et ce serait peine perdue que de tenter d’y faire promener la faucheuse mécanique. Aussi, tout le fauchage doit-il se faire à la petite faulx…

Mais Léon Lambert ne fera pas partie de la corvée. Ainsi en a décidé Jean-Baptiste Morel, conseillé d’ailleurs par les voisins. Le Français restera à la maison pour aider Marguerite et quelques voisines à préparer le « snaque » du soir, car les faucheurs, affamés, feront bombance, après la corvée, à la table de Morel…

Léon se sent humilié par cette décision du maître. Il se résigne toutefois. Ce n’est pas cependant sans douleur. Sans faire plus d’attention à lui que s’il n’existait pas, les hommes s’en sont allés vers la prairie en bavardant et en chantant. Et il est resté là, l’esprit perplexe, l’âme troublée, appuyé aux chambranles de