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LE FRANÇAIS

Marguerite, ce qui augmenterait la valeur de la terre ; l’on pourrait ainsi agrandir le domaine en achetant le lot d’un voisin. N’était-ce pas ce que tentait de faire M. Larivé ? Jusqu’à présent, c’est vrai, il avait su déjouer les plans accapareurs de son voisin. Mais les tentatives de ce « gentleman farmer » contrecarraient quand même ses rêves d’agrandissement. D’autres fois cependant Jean-Baptiste Morel ne se sentait guère de foi dans le caractère permanent de cette exploitation agraire de M. Larivé. Il se prenait même à croire que le morcellement futur, à peu près certain pour lui, de la ferme de son puissant voisin aiderait singulièrement, un jour qu’il ne croyait pas très éloigné, à la réalisation du projet d’agrandir sa terre, grâce aux écus sonnants que lui apporterait le gendre désiré. Et ces deux grands projets, le mariage de Marguerite et l’agrandissement de sa terre, continuaient d’occuper l’esprit de Jean-Baptiste Morel. Il y pensait jour et nuit. Souvent, la nuit, il se levait et s’en allait fumer sa pipe sur le seuil de la porte. L’obscurité nivelait l’échine de sa terre qu’il cherchait à entrevoir jusqu’au trécarré. Il entendait dans ses étables ou autour de la maison les bêtes qui remâchaient ; et lui aussi remâchait ses souvenirs et ressassait ses projets. Le jour, quand ses pensées le tenaient, son activité diminuait et il devenait faible au travail. La culture de sa terre en souffrait. Il était continuellement sombre. On l’avait vu sourire, une fois, et c’était lors de cette corvée des foins quand il avait assisté au triomphe de son