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« LE MEMBRE »

gnée d’air et de lumière, palpite sous les caresses de la brise australe. Le jour s’enfuit. Une à une, sous le voile transparent du ciel, les étoiles se hasardent. Les derniers rayons brillent encore sous cent nuages mouvants, allumant, en bas, les vitres des maisons de la basse ville qui disparaissent, peu à peu, dans l’ombre grandissante. À mesure que l’obscurité tombe, encore et toujours, s’ouvre un abîme au fond duquel toute la partie basse et vieille de la cité s’engouffre. De cette ruche humaine qui, le jour, gémit et bourdonne, on n’entend plus qu’un murmure comme celui du fleuve…

Et Donat Mansot rêve.

« Ses succès politiques sont peut-être de grosses fautes qu’il a commises. Enfin, s’il perdait, un jour, son élection, s’il n’était pas élu après une campagne où il a engouffré sa dernière indemnité parlementaire. Ce serait la ruine, hideuse, à peu près irrémédiable. Il a fait, lors de sa dernière élection, des sacrifices énormes. Le Comité Central lui avait promis deux mille piastres ; il ne lui en a donné que deux cents. Mais il ne fallait pas reculer ; il était pris dans l’engrenage, en reculant, il serait devenu la risée du public et de ses électeurs… Mais comment, maintenant se refaire ?… »

Il n’y a plus, en bas de la Terrasse, qu’une grande ombre piquée de cédilles de feu qui sont les étoiles des tramways qui se croisent et fuient dans les rues que l’on ne distingue plus. Les carrefours d’en bas sont des abîmes qu’on cherche encore à sonder du regard. Cent clartés fugitives naissent, luisent et passent. Le vieux