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« LE MEMBRE »

Québec s’endort et il fait bon lui entendre exhaler le dernier soupir de la fatigue du jour…

Et Donat Mansot rêve…

« Se refaire !… Il en cherche les moyens depuis cinq ans. Comment ? Il dispose pourtant de sa part de patronage. Il vote toujours scrupuleusement, même quand son cœur et sa conscience lui disent le contraire, avec son parti… Pourtant, il connait tant de ses collègues qui font « boule de neige », par exemple, dans les comités… Aux comités, c’est là que passent au moulin, ces projets de charte qui laissent une si grosse mouture… Ah ! le peuple coûte bien cher à ceux qui veulent consacrer à ses intérêts et leur temps et leurs talents !… »

Cependant, là-haut, il fait déjà si noir que l’on ne voit plus, presque, autour de soi ; et, en bas, c’est l’ombre, toujours, traversée de lueurs, de prismes et de frémissements d’eau sous les rayons. Le fleuve est de moire. Au bord, sur les quais, de grosses lanternes projettent des lueurs blafardes et, sur la moire de l’eau, il y a des miroitements à travers lesquels circulent des ombres rapides qui sont des bateaux…

Et Donat Mansot continue son rêve décevant…

« Mais ce peuple pour lequel il se sacrifie depuis bientôt six ans, l’a-t-il payé en retour ? Il lui a coûté si cher ; pourquoi réclame-t-il toujours davantage. Il est suffisamment payé, enfin ! Il a promis, c’est vrai, mais il a rempli ses promesses. Pourquoi est-ce lui qui, en somme dans cette lutte de la politique, écope ; lui, qui donne son temps, son talent, son argent, tout ? Il