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LE « MEMBRE »

gide des peupliers et les boules effilochées des saules. De tout cela monte aux narines ministérielles une pénétrante odeur de foin fané et d’herbes molles… Devant une ferme qui passe comme un bolide, un coq jaune bat des ailes ; le bruit de ferrailles du train empêche d’entendre son cocorico.

« Moi, j’aime la campagne », commence ou plutôt continue le Secrétaire Provincial, l’honorable Jean-Pierre Descarrières.

— Quand elle n’est pas électorale, sans doute, répliqua finement l’honorable M. Baron. Non, mais, sommes-nous assez idylliques, ajouta le ministre de l’Agriculture, encouragé par le sourire de ses collègues.

— « Poète, prends ton luth et me donne un baiser », clame le Secrétaire Provincial.

— Allons, bon ! des vers maintenant, fait remarquer le premier ministre. À propos de vers, j’espère, mon cher Alex, que vous n’avez pas oublié les vers de vase pour « empâter » nos lignes ?

— Non, maître, répond l’honorable ministre des Travaux publics, même que je les ai mis, pour les tenir au frais dans une vieille urne à scrutin.

— Des vers de vase… d’élection alors, hasarda le Secrétaire : « Vas electionis », comme on dit dans les litanies.

Et le Premier de faire remarquer avec complaisance :

— Le trait est plaisant…

— Mais enfin, qu’est-ce que nous pourrions bien faire pour passer le temps jusqu’à Saint-Vidal, demanda tout à coup le Trésorier Provincial qui n’avait pas encore soufflé mot depuis le départ.