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LE « MEMBRE »

heures heureuses, se chargea de tirer les ministres de leur embarras et, c’est par le sifflet de leur convoi spécial qu’il les avertit que l’heure du retour était arrivée.

En effet, un cri strident retentit dans l’espace, du côté de la station. Les ministres sursautèrent. Quoi ! déjà… Comme sont courts les beaux jours !… L’on se prit résolument à mettre ordre aux agrès de pêche.

Pendant ce temps, le Secrétaire Provincial observait le Premier Ministre. Placidement, celui-ci s’était levé, puis, les bras chargés de sa gaule, de son veston et de son sac, il s’était dirigé précisément du côté du ponceau de madriers.

« C’est ce que j’avais prévu, murmura M. Descarrières, je l’avais prévu mais sans oser le croire. Sûrement sûrement ! il plane un malheur sur ce coin de terre. »

Hélas ! les pressentiments du Secrétaire Provincial étaient vrais. Sir Omer Thouin, d’un pas rendu chancelant par la fatigue du jour, s’était aventuré sur le fatal ponceau ; il était parvenu à l’extrémité du premier madrier, quand on entendit un cri désespéré partir de la rivière. On eût dit l’appel d’un trépassé ou le sifflement lugubre du vent dans les cavernes sur une lande bretonne… En même temps, ce fut un grand rejaillissement d’eau et quand les gouttelettes se furent dispersées, on aperçut, au fil de l’eau, deux bras tendus d’angoisse, deux mains crispées d’horreur, puis, un autre cri sourd comme celui d’un mourant :

« À moi ! à moi !… au secours !… »