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LE « MEMBRE »

Il y avait à peine deux pieds d’eau à cet endroit mais cette eau était trouble ; l’on pouvait craindre quelque danger d’asphyxie même pour quelqu’un si accoutumé fût-il de nager en eau trouble.

Un cri de terreur folle sortit des poitrines des ministres qui, hébétés, restaient figés à leur place tels des poteaux de frontières.

Pendant quelques instants, l’infortuné Premier se débattit dans l’eau comme un poisson hors d’icelle. Un dernier appel au secours sortit, étranglé, de sa gorge… puis, l’on n’entendit plus rien.

Et les ministres, horrifiés, restaient toujours là, cloués sur la berge.

Alors, de l’extrémité du Parc où il était déjà rendu, un homme accourut qui, sans perdre de temps à s’arrêter pour enlever sa casquette et son veston, fit, au bord, un bond formidable et piqua une tête héroïque dans la rivière.

Cet homme, c’était Donat Mansot.

Tous les yeux maintenant sont fixés sur lui ; tous les cœurs ne battent que pour lui. Les exploits héroïques sont toujours passionnants surtout quand cela se passe à une époque l’on nous croit finis, épuisés, émoussés par la névrose, annihilés par la veulerie.

La course à la rivière, le saut dans le courant, l’élan jusqu’au naufragé, tout cela n’avait pris à Donat Mansot que le temps que nous prenons pour l’écrire…

Ramener sur la berge la masse ruisselante et informe qu’était devenu, hélas ! le premier personnage de la province de Québec, le déposer dans un endroit moelleux et sec lui prirent le même temps.