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LE « MEMBRE »

la ville semble une ville morte. L’on ne voit âme qui vive et l’on entend seulement par intervalles la trépidation sourd d’une balayeuse électrique qui fait des efforts désespérés pour déblayer la voie des tramways. L’un de ces derniers est arrêté, immobile, au milieu d’une rue ; son gros œil brille faiblement à travers les rideaux mouvants de la neige qu’il cherche en vain à percer…

Sur la terrasse, le spectacle est sublime d’horreur : tous les éléments semblent s’être donné rendez-vous en cet endroit pour s’y livrer à une sarabande diabolique. À la fin de chaque ronde de leur macabre mazurka, ils se ruent avec des cris d’épouvante et de rage sur le Château Frontenac dont la masse solide semble une chose monstrueuse qui aurait été posée là pour l’éternité et qui serait décidée à résister à tous les cataclysmes. Des lumières apparaissent ici et là, indiquant la façade de l’édifice à travers les voiles de la neige.

Un observateur attentif aurait pu remarquer qu’une seule de ces lumières brille du côté du mur qui regarde la ville. C’est un détail que voudra sans doute approfondir le lecteur de ce récit. Aussi, par ce temps qui empêcherait un honnête homme de jeter un franc-maçon à la porte d’une église, lui et nous serons heureux de pénétrer, après avoir secoué les frimas et la neige qui nous enveloppent, dans l’atmosphère chaude et sentant bon des salles somptueuses de ce château québécois du Pacifique Canadien, et de chercher à percer le mystère de la petite lumière du nord.

« Profitons de notre indiscrétion de romancier pour