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le tour du saguenay

de son lit, un spectacle ravissant, délicieux, indescriptible de l’aurore sur les coteaux.

« Eh bien ! le croirez-vous ? Je fus jaloux de cet animal. Est-il, en effet, rien de plus enviable que de pouvoir assister tous les jours, sans frais ni démarche, à la radieuse apparition du soleil, à l’épanchement lent de la fraîche lumière du matin sur les collines dont les versants se perdent au loin dans une ombre affaiblie. Je sentis que j’avais du bœuf en moi et je m’arrêtai, la narine frémissante, l’œil dilaté, avec une envie incroyable de beugler à mon tour.

« Cet épisode de ma vie agreste manque peut-être d’intérêt pour le lecteur ; je le plains. Qu’il aille voter si bon lui semble : moi, je mugis ; qu’il crie comme un pendu à l’appel nominal ou court au poll dans des flots de poussière, moi je me lèverai tous les matins à cinq heures et je gravirai les coteaux pour me confondre avec les bêtes à cornes communément appelées vil bétail. C’est désormais là toute mon ambition à part les très courtes heures que je réserverai aux chroniques. »


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