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Peter McLeod

nent pas à notre secours, et toi seul, ô Milaupanuish. peut bien dire aux gens des gouvernements que les pauvres sauvages du lac Peokwagamy vont être réduits bientôt, pour manger, à faire bouillir le cuir de leurs mocassins et les lanières de leurs raquettes. Je sais que tu auras pitié de nous, Milaupanunsh. J’ai dit… »

Un rictus de mélancolie fendait la face camuse de cet orateur des bois et plissait ses épaisses paupières. Son nez minuscule disparaissait entre ses grosses joues de poupard couleur de cuir. Peter McLeod avait attentivement écouté le sauvage. Cet amer poème de la vie misérable des siens l’avait sensiblement ému. Il regarda longtemps avec mélancolie les Montagnais qui s’étaient assis à croupeton, impassibles, dans un coin de la pièce. Pour l’instant, les deux commis s’occupaient à de menus travaux derrière le comptoir, rangeant diverses marchandises. Pit Tremblay fumait béatement sa pipe. À côté du poste, dehors, un accordéon gémissait un air nostalgique.

Peter McLood fit quelques pas dans la pièce, puis s’approcha de la fenêtre. Son regard sembla tout à coup plongé au loin dans la forêt, commencement du nord redoutable qu’il imagina grouillant de pauvres gens se tordant dans les affres de la faim. Il se représenta des steppes et des montagnes, des plaines arides, balayées par les bourrasques, parsemées de pièges vides pendant que des bêtes fuient, affolées, les armes meurtrières des blancs : l’abomination de la désolation durant des milliers de milles de forêts impénétrables !…

Il s’approcha davantage de la fenêtre et se mit à