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Peter McLeod

contempler avec amertume la sauvage splendeur du paysage ambiant. Le jour s’était peu à peu transformé en crépuscule, puis, la nuit était venue : une nuit profonde où passait l’errance des étoiles. La lune brillait avec sérénité dans le beau ciel nocturne. Devant ses yeux, le petit bourg volant se dressait en un groupe de constructions spectrales et, plus loin, s’érigeait vaguement la ligne noire de la forêt repliée sur elle-même dans un silence impressionnant… Tout à côté, l’accordéon geignard ahanait toujours le même nostalgique motif. Des chiens jappaient comme en un rêve de chasse…

Peter McLeod, rude, sauvage, tout en fer, cœur et volonté, est-il insensible à la beauté de la terre ? Sa poésie lui est-elle inconnue ? Malgré lui, va-t-elle percer cette rude écorce pour trouver le chemin de son âme ?… A-t-il jamais eu un cœur ?…

Accroupis, nouveaux sphinx de bronze, les sauvages le regardaient de leur gros yeux sombres… Une étoile filante enjamba le gouffre du ciel. Elle sabra l’air d’un coup de pinceau lumineux, décrivit un arc immense et s’abîma derrière la forêt. Peter McLeod tressaillit. En ce moment il sentit dans ses veines le sang de ceux qui pendant des siècles ont contemplé comme lui, ce soir, ces splendeurs du monde et qui a chaque phénomène ont attaché une signification… La tradition est en lui. Sa croyance, oubliée, était naguère naïve, mais absolue. Elle lui revint, un instant, du fond de ses jeunes années… Mais ce n’est pas lui qui s’embarrassera de théories compliquées demandant à son esprit le pourquoi des