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Peter McLeod

Tant et si bien que dans le temps fixé par les Price, Peter McLeod réussit à charger ses neuf goélettes.

Mais cette couillonnerie affecta le boss autant que la plus carabinée de ses saouleries de jeunesse. Le mal qui le rongeait depuis le retour de Québec augmenta. Il ressentait presque continuellement dans son corps d’affreuses douleurs, comme les brûlures d’un fer chaud. Ses intestins surtout lui semblaient lardés d’épines acérées. Il amaigrit, son visage s’amenuisa sous les hachures du couteau de la souffrance… Il n’osait plus sortir. Chaque effort lui causait une insupportable douleur, le laissait haletant, le cerveau comme chargé de gros afflux de sang et le reste du corps vide de forces, les muscles contractés à bloc…

Parfois, la nuit, le fer rouge qui travaillait ses tripes le jetait pantelant sur le parquet rugueux de son “office” qui était aussi sa chambre à coucher et, souvent, sa salle à manger. Il était heureux alors que ses crises n’aient aucun témoin. Son orgueil répugnait de donner à ses hommes le spectacle de sa déchéance physique. Le jour le tirait de la torpeur qui l’anesthésiait. Grâce à sa volonté de fer, il réussissait à dompter à tel point le mal qui le dévorait que les hommes le croyaient seulement de mauvaise humeur ce qui était, d’ailleurs, son état plutôt normal. À peine mettait-il le pied dans les cours à bois des moulins qu’il retrouvait son courage et presque toute sa force. Il exultait en un soudain regain de vie. On eût dit que des piles de planches et de madriers d’où se dégageait la bonne odeur du bois humide fraîchement scié, des arbres proches, madriers et planches futurs, des sonores murailles de