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Peter McLeod

un mot ou je le fais revoler d’un coup de pied, par la fenêtre, dans le Saguenay… Vous entendez ? Vous êtes tous un tas d’ivrognes, de dégoûtants et vous ne méritez pas de vivre, tas de Goddam ! Allons, ouste !… Débarrassez le plancher tout de suite !…

Et, à la minute même, la scène changeait de décor. La porte du magasin n’était pas assez large pour permettre aux trappeurs, aux “lumberjacks”, aux indiens, d’y passer à la file et de disparaître, comme des chiens battus. Ils s’en allaient dans l’obscurité du dehors, à présent en quête du peu de repos que leur permettait le reste de la nuit, dans la maison d’un ami du village, ou dans des cabanes de fortune dressées à la lisière du bois.

Parfois, de pauvres diables, plus avinés que les autres, ayant mordu la poussière du parquet du magasin — où ils en trouvaient d’ailleurs, plus que pour leur suffisance, — ne pouvant aller plus loin, restaient étendus, ici et là, dans le magasin et dans la « salle à diner » des hommes. Alors, Peter McLeod, toujours conscient de ses devoirs de chef, pitoyable comme tout ivrogne envers son semblable, donnait à Joe, son homme à tout faire, l’ordre de les couvrir, chacun, d’une couverture de laine ou d’une peau d’animal et, après s’être servi trois ou quatre nouveaux whiskies, s’en allait lui-même s’étendre, saoul comme une grive en pleines vendanges, sur son misérable coffre-pupitre où bientôt il ronflait comme l’orgue de la cathédrale d’Édimbourg, sa ville ancestrale…

Et sur Chicoutimi, bientôt, le calme profond régnait qui n’aurait jamais dû oser s’aventurer sans l’in-