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Puyjalon

rengs qui déferlaient avec la force d’un grand phénomène naturel : sur leurs bateaux, des milliers de pêcheurs en capturaient sans répit, comme autrefois, quand ils pêchaient des jours entiers de dix-huit heures… Tout le long du littoral, dans toutes les anses des cages étaient remplies de crustacés couleur d’algue et qui étiraient paresseusement d’énormes pinces s’emmêlant les unes aux autres : une immense, incroyable salade de homards… Dans l’eau transparente des embouchures des rivières, d’interminables nappes de dos verdâtres de saumons se déroulaient d’une rive à l’autre…

Et voilà que le ciel s’obscurcit comme à l’approche d’un orage. L’eau ne s’éclairait plus d’aucun rayon. Et c’est, en effet, un orage, une tornade : des milliers et des milliers d’oiseaux de mer et de grève arrivent en masses compactes, volant pesamment et se posant en troupes bruyantes sur les rochers, faisant un caquetage endiablé, se disputant les meilleurs endroits pour y dormir. Des troupes d’autres oiseaux, criant plus fort, cherchent à se nicher le plus haut possible, sur des monticules. L’orage s’est dissipé. Les derniers rayons du soleil font briller les varechs verdâtres. Des bancs de sable émergent ici et là, tout le long de la côte. Ils sont couverts d’oiseaux de grève lissant leurs plumes : des margaux, des pingouins, des macareux, des canards, de goélands. Dans les flaques des bords laissées par la mer et abritées des vagues, d’innombrables familles de mouettes pêchent, cherchant des crabes mous et des coquillages minuscules. Des goélands, volant lourdement au-dessus des îles et des ilots, rauquent des