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Puyjalon

— Manquée tout à fait, monsieur, manquée partout, à Natashquan, à Kégaska, à la Romaine, au Mécatina, à la Tête-de-la-Baleine, partout, je vous dis,… de vingt-cinq à trente quintaux en moyenne par goélette… une misère, quoi, mon cher monsieur !… Et dire que ça diminue comme ça chaque année, le loup marin, la morue, le hareng !…

— Et le saumon, M. Vigneau, et le homard, et tout et tout ; et le gibier, et la pelleterie ; je le sais, M. Vigneau, je le sais, moi, et c’est ce que je cherche à faire savoir au gouvernement dans mes rapports.

— Alors, qu’est-ce qu’on va devenir, M. Puyjalon, nous aut’s, les « sauvages » de la Côte ?… Mais, j’y pense, nous sommes là, plantés comme des piquets dans le sable !… Si nous allions fumer une pipe à la maison. Vous ne partez pas ce soir pour votre île, je suppose ?…

— C’est ce qui vous trompe, mon bon M. Placide. Je veux profiter du bon vent pour continuer… Et puis, faut-il vous le dire, voilà déjà deux semaines que j’ai quitté ma chère Île-à-la-Chasse, et je m’en ennuie, vrai, M. Vigneau ! À Québec, je brûlais, franchement. Pas une minute où je n’aspirais pas vers ma fraiche solitude.

— Vous êtes drôle, vous, M. Puyjalon.

Les deux hommes se dirigèrent à pas lents, sur le sable mouvant, vers une anse où se trouvait la chaloupe de M. de Puyjalon. On était à la fin d’août. Il faisait beau, légèrement frais au bord de l’eau. Devant les deux hommes, on devinait, de l’autre côté des îles, la pleine mer qu’on sentait bornée au loin par le ciel