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perdus, oh ! que les grandes cités américaines en ont vu ! Combien, dans leur sein, ont senti tout-à-coup que la mesure d’idéal qu’ils portaient en eux était trop courte une fois superposée aux réalités d’une existence à faire ! Combien s’en est-il trouvé qui, après avoir vu, touché, respiré ces villes, après avoir erré des jours entiers, dans leurs rues enfumées, méconnus, solitaires, au milieu d’une foule d’êtres indifférents, se sont tout-à-coup croisé les bras, puis, crispés, moralement et physiquement, se sont laissés mourir tristement. Heureux ceux de nos gens qui, après quelques mois de séjour dans ces cités-merveilles, par une transition dont il nous est libre de rêver les nuances, n’ont pas senti le dégoût remplacer la curiosité… Les États-Unis peuvent, à la vérité, être bonne mère pour les hommes ambitieux et à grandes vues, soit qu’ils veuillent jouir du fruit de leur existence passée, soient qu’ils aient une fortune à faire ou à refaire et qui se sentent capables de nager dans les eaux troubles ; mais les faibles ont bien peu de chances de se frayer une route en luttant contre la marée turbulente de ces villes…

Nous sommes au fort de la canicule. Un soleil rouge qui perce une buée blanche, volatile, mélancolique, semble une tache de sang