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fondre le rêve avec la réalité, qu’il est plus facile de former des projets que de les exécuter…

La nuit règne maintenant sur la ville qui s’endort et tout est silence dans le pauvre quartier des travailleurs qui ont peiné depuis le matin pour gagner le pain qu’ils ont mangé… Quelques voitures roulent encore de loin en loin. La nuit s’étend toujours plus épaisse, silencieuse, avec la solitude, avec la tristesse dans la chambre de Paul face à face avec son ennui…

Son ennui !…

Oh ! cet ennui de certains soirs qui vient se coller aux fenêtres comme un brouillard, quand le ciel est sombre et bas, quand les routes et les rues ne sonnent plus, quand la chambre et l’âme restent sans lumière dans le lent crépuscule. Ennui du cœur qui n’aime plus rien ; ennui de la pensée lasse d’avoir trop pensé et qui perçoit la vanité de ce jeu ; ennui de la volonté rompue de s’être trop efforcée vers des fins illusoires… Pauvre Paul ! c’en est-il donc fait à jamais, déjà, de ton vouloir, de ta pensée et de ton amour ! Vous tous qui l’avez connu, cet ennui, et vous surtout, pauvres villageois qui avez déjà été enchaînés dans l’isolement d’une ville, à qui la vie moderne, si prodigue d’agitation et de vains spectacles, semble n’avoir réservé que l’immobili-