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de le voir revenir un jour s’était pour jamais évanoui !… Ah ! ce baiser que toutes deux lui avaient donné, en ce triste matin d’hiver, quand il était parti dans la voiture du père, c’était donc le baiser de l’éternel adieu !… « Ô Vierge, aux multiples douleurs ! ayez pitié de nous, donnez-nous la résignation, vous qui êtes seule, en ce moment, capable de comprendre notre amour, de comprendre nos peines qui furent les vôtres, vous dont le cœur a été, toute la vie, si cruellement transpercé du glaive des plus indicibles angoisses ! »

Lentement la nuit avait noyé toutes les choses dans ses ombres, comme pour ne plus laisser trace de vie ailleurs qu’au profond mystérieux de ces deux âmes endolories… Quand les deux femmes se levèrent pour retourner à la maison, l’étoile du Berger piquait son clou de diamant dans le ciel assombri ; puis, une trainée d’argent apparut à l’horizon et la lune apporta le sourire de sa lumière laiteuse à l’agonie des douceurs crépusculaires…

Et, à la maison, dans la grande cuisine, toute pleine d’obscurité que commence à percer un rayon de lune qui entre par la porte ouverte, le père, qui n’a pas encore dit un mot depuis l’affreuse nouvelle, pleure silencieusement de ces larmes de vieillard, qui sont comme la sève de la vie qui s’en va…

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