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fermier relativement pauvre, elle se plaît dans sa position et ne désire pas en sortir. Occupée tout le jour à une dure besogne, elle n’a pas le dangereux loisir de rêver, et quand, dans de rares circonstances, la folle du logis se met à faire des siennes, elle n’a pas grand peine à la ramener à la réalité. Et lorsqu’enfin l’amour est venu frapper à la porte de son cœur, elle ne s’en est pas émue outre mesure et n’a pas laissé errer son esprit dans le domaine de la chimère. Comme de cette humble classe de travailleurs où elle est née, elle conserve tous les instincts, tous les goûts, le seul roman qu’elle ébauche en ce moment est d’imaginer, à la place de la chaumière traditionnelle, un modeste logement, bien propre, où elle logera tranquillement son amour comme dans le seul nid qui lui convienne. Aussi, dans l’époux qu’elle a rêvé elle a cherché autre chose qu’un de ces jeunes « frappés » qui, trop souvent, dans les campagnes, essayent de jouer au dandy ce qui produit un effet désastreux, et elle a trouvé Paul.

Paul, en effet, pouvait devenir un mari modèle ; possédant toutes les fortes qualités des travailleurs de la terre : laborieux, sobre, pieux, il serait bon père et bon époux. L’amour rend sérieux et intéressé. Aussi, devant celui, profond et sincère, qu’il ressentait pour sa voisine, Paul devint très grave tout-à-coup. D’ailleurs il était trop intelligent pour confondre la