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fougue de la jeunesse, les entraînements de la passion avec un amour pur et durable, il ne se faisait pas illusion sur le véritable état de son cœur à l’égard de Jeanne ; il était bel et bien pris au piège de l’amour ; et le sentiment qu’il éprouvait pour sa petite voisine était loin d’être le caprice d’un jour, la folie d’un moment, le songe d’une nuit dont on doit se réveiller au soleil…

Ils en étaient donc là tous deux, quand Paul, poussé par l’impitoyable démon de la curiosité et des voyages, et aussi, par amour encore pour Jeanne, comme il le disait d’ailleurs, — c’était sa seule raison sérieuse — résolut de partir, de voyager, de devenir riche, afin d’être plus heureux plus tard, après le retour…

Pauvre enfant, il croyait que le bonheur montait et baissait selon que l’on avait plus ou moins de pièces blanches et jaunes dans son gousset… D’abord, on avait cru à un caprice d’un moment qui s’en irait bientôt comme il était venu. Mais devant l’idée persistante de Paul, il fallut bien vite se rendre à l’évidence. Alors ce fut l’évanouissement des beaux et riants projets. Paul essaya par tous les moyens possibles d’atténuer le mauvais effet de sa résolution ; il eut beau dire qu’il ne partait pas sans espoir de retour, qu’il reviendrait bientôt et que son absence ne durerait tout au plus que deux ou trois ans ; on n’en persistait pas