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sortir une jeune femme encapuchonnée d’un tablier à carreaux bleus et qui portait deux seaux suspendus à chaque bras. Malgré son vêtement, il n’eut pas de peine à la reconnaître ; c’était la fille du voisin, le père François Morin, l’unique héritière de cette belle ferme. Pour lui donner un titre qui sonne mieux aux oreilles de notre jeune homme : c’était sa fiancée.

Elle avait dix-neuf ans et s’appelait Jeanne.

Après avoir traversé le jardin, en cueillant au passage un géranium qu’elle jeta aussitôt dans l’air avec toute l’insouciance d’un enfant, elle franchit la barrière et, légère, joyeuse, telle Perrette de Lafontaine, s’élança à travers la prairie en chantant à tue-tête :

Un canadien errant
Banni de ses foyers
Parcourait en pleurant
Les pays étrangers.

Dix minutes de marche dans la rosée, au milieu des parfums et des chants d’oiseaux, et la jeune fille arriva à la lisière du bois où paissait un troupeau de huit vaches, belles et grasses, qui regardaient venir leur maîtresse de leurs gros yeux mélancoliques.

« Bonjour Caillette, bonjour Rougette… et toi, la Bleue ; il faut que vous me donniez beaucoup, beaucoup de lait, ce matin ; entendez-vous, tout plein mes seaux… Brrr !