Page:Pouchkine - Boris Godounov, trad Baranoff, 1927.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas, moi aussi, prendre part aux batailles, et occuper ma place à des festins royaux ? J’aurais pu, comme toi, me repentir plus tard, prendre l’habit du moine et me cloîtrer ici.

PIMÈNE

Ne te plains pas d’avoir si tôt quitté le monde, crois-moi, car c’est de loin que nous séduit le charme de la richesse, de la gloire et de l’amour trompeur. Ma vie fut longue, j’en ai beaucoup joui ; je ne connus pourtant la vraie félicité que lorsque je me fus enfin cloîtré en cette cellule. Pense donc, mon fils, aux souverains les plus puissants : Dieu seul est plus grand qu’eux, et rien ne leur résiste. Cependant on les voit, souvent las du pouvoir, échanger leur couronne contre l’habit du moine. Ainsi le tsar Ivan cherchait la paix de l’âme en des occupations de simple religieux ; et son palais prenait alors l’aspect d’un monastère où les gardes du corps semblaient être des novices, et leur terrible tsar un pieux égumène. Je vis ici, dans cette cellule même, — Cyrille l’infirme y habitait alors, et moi j’avais déjà quitté le monde, Dieu m’en ayant montré la grande vanité, — je vis le tsar, pensif et calme ; il semblait las de ses colères et de ses exécutions. Devant lui, nous restions tous immobiles, et, d’une